La lente mais inexorable érosion des voix...

     Pourquoi La France Insoumise, dont le candidat, Jean-Luc Mélenchon, avait rallié sur son nom 19,58% des suffrages aux élections présidentielles de 2017 peine-t-elle à ce point pour transformer ce bel essai et pour confirmer ce niveau d'intérêt auprès des citoyens et électeurs du pays ? De fait, les élections législatives de 2017 lui ont octroyé 17 députés mais seulement 11,02 % des suffrages, ce qui matérialise un net tassement. A l'heure qu'il est, à l'aube du mois de mai 2019, malgré la contestation vibrante dans tout le pays, les sondages n'annoncent que de 8,5 à 9,5% f'électeurs potentiellement motivés pour voter LFI aux élections européennes du mois de juin 2019, ce qui confirmerait, non seulement la stagnation, mais même une érosion du mouvement dans son audience nationale. Alors, pourquoi ? La question mérite d'être posée et examinée.








     Pour expliquer le recul des législatives, un grand quotidien national arguait du fait que La France Insoumise ne compte malheureusement pas dans ses rangs 577 Jean-Luc Mélenchon, ce qui est loin d'être faux, quand on connaît la combativité et le charisme oratoire du candidat aux présidentielles, et ce, même si des figures majeures du mouvement ne manquent pas de talents ni de mérites. De fait, quel groupe peut se vanter de représenter aussi bien et intensément son électorat par des acteurs aussi doués et vertueux que François Ruffin, Adrien Quatennens, Clémentine Autain, Eric Coquerel, Alexis Corbières, Ugo Bernalicis entre autres ? Sans doute, la jeunesse du mouvement et le manque de locomotives ou de têtes d'affiche ne sont-ils pas pour rien dans le tassement aux législatives et le fait que, pour des raisons analogues, la liste des européennes soit conduite par des candidats un peu moins connus du grand public, si l'on excepte Emmanuel Bompard, contribue aussi sans nul doute à confirmer et amplifier quelque peu cet effet de tassement.

    Une autre source mentionne, pour expliquer ce recul, les conséquences du tapage médiatique orchestré contre le mouvement lors de l'affaire des perquisitions et de la "sainte" et spectaculaire colère de Jean-Luc Mélenchon, qui a détourné de lui, et conséquemment du mouvement, nombre d'électeurs tièdes ou indécis qui auraient volontiers franchi le pas sans cette campagne quasi diffamatoire menée contre le mouvement et ses leaders. Et malheureusement, l'impact des médias acquis au pouvoir, qu'il soit politique ou économique, n'a jamais cessé de se faire sentir à force rabâchages et allusions assassines... On peut d'ailleurs se demander si cela n'a pas incité Jean-Luc Mélenchon à se placer quelque peu en retrait durant quelque temps, dans l'intention de désamorcer la vindicte médiatique.

        Il serait également important de mentionner le morcellement, voire l'émiettement des représentations de la gauche, que ce soit dans l'opinion ou dans les organisations politiques. Outre le Parti Communiste qui cette fois fait liste à part (3% d'intentions de vote dans le sondage du 2 mai), Lutte ouvrière (1%), Génération-S de Benoit Hamon (3%) et Place publique de Raphaël Glücksman allié aux momies du PS (5%) qui tentent de rassembler le puzzle d'un PS délité en lambeaux, pour un total partiel de 12%, Europe écologie les verts (9%), tentent de concurrencer LFI dans cette représentativité, ce qui fait indubitablement beaucoup ! Ajoutons à cela le fait que les électeurs de LFI manifestent un enthousiasme et une motivation plus que modérés pour l'Europe puisque, pour la plupart, ils sont partisans d'une renégociation des traités. Quand nous aurons rappelé que l'abstention, chez les 18 / 25 ans, avait atteint les 75 % lors des précédentes élections européennes, et que cette tranche d'âge avait voté à 30% pour le candidat aux présidentielles Jean-Luc Mélenchon, nous aurons une raison supplémentaire d'appréhender le scrutin des européennes à venir... 



        Enfin, quid de l'impact du mouvement des gilets jaunes ? La France Insoumise a toujours soutenu leur cause avec un bel esprit de fraternité, sans jamais vraiment tenter la moindre récupération, respectant en cela la spécificité et l'autonomie du mouvement de révolte citoyen. Beaucoup d'entre eux ont clamé des revendications et des mots d'ordre ou slogans qui figuraient depuis longtemps dans les essais politiques de Jean-Luc Mélenchon et programmes de La France Insoumise,  aux élections de 2017 (Relire, pour s'en convaincre L'ère du peuple et L'Avenir en commun !). Il existe une réelle convergence entre les demandes des Gilets jaunes et les idées fondatrices de LFI, et pourtant, paradoxalement, les votes des Gilets jaunes ne lui semblent pas acquis... Pourquoi ? Par défiance vis-à-vis des politiques, de tous les politiques ? Par préférence pour les idées nationalistes (la fameuse "préférence aux français" ?) du Rassemblement National et par rejet de l'idéologie humaniste et antiraciste de la LFI ? C'est possible, mais ce serait vraiment désolant, navrant, discréditant pour le mouvement pourtant a priori très sympathique des Gilets jaunes.

        Voilà un tour d'horizon pour faire le point, et, comme dans une course d'orientation, choisir les meilleurs azimuts pour être le plus efficace possible dans les prochaines semaines ! Le fait d'avoir instauré ses propres sondages donnera sans doute au mouvement d'utiles indications, à condition que cela n'aveugle pas sur les réalités ingrates de la situation électorale... Reste quand même dans la bouche comme un goût amer de constater que, malgré son incompétence et sa réelle indifférence à la cause du peuple, Macron et ses sbires font encore la course en tête et conservent un reliquat suffisant d'électeurs égoïstes et aveugles, pour déplorer également que le Rassemblement National tire à sa manière les marrons d'un feu dont il ne sent pas la flamme, prenant bien soin de s'en tenir à belle distance, pour échapper à l'odeur âcre des cendres qui lui colle à la peau !

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