Emel Mathlouti, chant pour la Palestine, Naci en Palestina

   Rarement chant bouleverse et porte à la fois à ce point... Emel Mathlouti est lumineuse et tant sa voix que la musique et le texte de cette chanson bouleversent et donnent la chair de poule. Je n'ajouterai pas grand chose tant l'écoute et la lecture du texte se suffisent à elles-mêmes ! C'est un moment lumineux, inoubliable, qui conduit à une écoute en boucle... Bonne écoute à toutes et tous, et notamment aux êtres de paix et de lumière !


Née en Palestine

Je n'ai pas de place
Et je n'ai pas de pays
Je n'ai pas de maison
Avec mes doigts je fais le feu
Et avec mon coeur je chante pour toi
                                                      Les cordes de mon coeur pleurent

Je suis née en Palestine
Je suis née en Palestine

Je n'ai pas d'endroit où vivre
Encore moins de maison
Je n'ai pas de patrie

Oh quand tu chantes
Et avec tes douleurs
                                                        Nos femmes vont entrer en lutte


  Puisse son chant remuer les consciences et appeler les hommes à reconnaître les droits et identités des peuples, et particulièrement ceux qui devraient savoir, par l'histoire et le sang, ce que c'est que subir l'injustice et la privation des droits, des terres, des biens !..



Toute l'histoire de cette chanson engagée:



 Comme le dit elle-même Emel, au public du prix Nobel devant qui elle s'apprête à la chanter, elle a emprunté cette chanson au très beau film Vengo du fabuleux cinéaste d'origine algéro-gitane Tony Gatlif, à qui l'on doit notamment des merveilles  comme Gadjo Dilo, Latcho Drom ou plus récemment Djam, films qui sont autant de voyages à travers les images et la musique, souvent composée ou co-écrite par le cinéaste lui-même. Le film, c'est, comme il le dit "un cri, un chant, un hymne à la vie, à l’amour, au deuil, au pacte du sang. Un hymne à la Méditerranée", une sorte de western andalou, porté par la musique. Le film se clôt par le très beau "Naci en alamo" qui est l'hypotexte de la chanson d'Emet Mathlouti, celle-ci ayant fait sienne la mélodie arabo-andalouse qu'elle chante de façon lancinante et sublime et ayant ajouté un couplet en langue arabe. Vous pouvez juger ci-dessous de la chanson-source, interprêtée par Remedios  Silva Pisa sur un arrangement de Gritos de Guerra:




  Or cette chanson est elle-même inspirée directement par la ballade de musique gitane "Balamos" du compositeur grec Dionysis Tsaknis, premier auteur, et créateur donc de cette oeuvre. La voici dans la version qu'en donnèrent respectivement la chanteuse grecque Eleni Vitali et le chanteur Giorgos Katsaris:






    Cette complainte fut donc originellement composée par Dionysis Tsaknis pour rendre hommage à l'éternel sentiment de l'apatride, de l'homme sans terre, et spécifiquement aux tziganes dont l'errance est à la fois la garantie et la rançon à payer pour pérenniser cette liberté et cette identité auxquelles ils sont légitimement attachés, eux qui furent dispersés très tôt dans l'histoire, depuis l'Inde du Nord, puis, à partir du XVème siècle, depuis les Balkans. 
      Rien d'étonnant donc à ce que cette mélodie composée dans ce dessein plaide à son tour la cause des palestiniens auxquels Israël, entre autres, refuse territoire et identité, et inflige régulièrement les outrages et vexations que son peuple a pourtant connus et déplorés dans le passé. On dit souvent que les enfants battus font des pères violents... Israël n'échapperait donc pas à cette observation... Amère ironie du sort tristement mise en oeuvre un peuple dont un des mythes fondateurs est celui du juif errant, alias Ahasverus, figure légendaire condamnée à l'errance sans patrie... Les Israëliens auraient-ils si peu et si mal appris de l'histoire tragique de leur peuple ?

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