Prospérité et faillite des médias.
Prospérité. On ne peut nier la place
envahissante prise par les médias dans le paysage audio-visuel de nos jours.
Des oracles d’un nouveau genre, qui pérorent à longueur de journaux télévisés
ou d’antenne pour les chaines continues. Il serait en revanche problématique de
leur tisser des lauriers pour la qualité et surtout l’équité, l’impartialité
des informations et commentaires diffusés...
Faillite déontologique. Il est évident que
les médias ne sont ni libres, ni objectifs. Pourquoi ? Parce qu’ils
appartiennent à des groupes ou à des hommes qui sont motivés par des intérêts
économiques, politiques, voire les deux réunis ! Par exemple, ne vous
attendez pas à des analyses objectives en regardant TF1, qui appartient au
groupe Bouygues, ou C News, Canal + qui appartiennent à Bolloré, voire à BFM
qui est détenue par Weill et Drahi... Ne songez pas davantage voir fleurir l’objectivité
sur France 2, pourtant service public... où, après ceux de Pujadas - évincé
mais accueilli à les bras ouverts à LCI - les commentaires de Nathalie
Saint-Cricq, François Lenglet entre autres orientent de façon funeste pour l’objectivité
la lecture des téléspectateurs...
De même, le traitement de l’information est
rarement pertinent, comme l’analyse formidablement Michel Onfray dans son essai
Décadence , relevant des
errements qui prêteraient à sourire s’ils ne mettaient pas en cause et ne
conditionnaient pas gravement le quotidien et les esprits des téléspectateurs:
« [...] Comment
en sommes-nous arrivés là ?
Répondre à cette question suppose de
renoncer au temps médiatique qui est
sidération de l'instant et sidération dans l'instant. La chaîne d'information continue illustre bien ce
qu'est ce temps post-temporel : un flux sur place, un écoulement
immobile, une dialectique gelée dans l'ici et
maintenant réitéré en boucle, à satiété.
Ce qui est prend toute la place ; mais ce qui prend toute la place est vite
remplacé par ce qui, à son tour, prend toute la place avant d'être lui-même remplacé par ce qui prendra sa place. Un
clou chasse l'autre sans qu'on conserve trace et mémoire de quelque clou que ce soit. Ni de l'opération qui
les aura chassés.
L'emprisonnement dans ce temps de l'instant
interdit qu’on résolve cette question car il interdit
toute résolution de toute question. Dans cette cage atemporelle, il n'y a plus ni questions ni
réponses, juste des images et un commentaire qui est description de l'image sans ajout de quoi que ce
soit, sûrement pas un décodage : celui qu'on nomme pourtant toujours un journaliste s’avère en fait le perroquet verbal de l'image,
il dit ce que l'image montre déjà. En présence d'un incendie, il dit que les flammes ravagent le
bâtiment ; en présence des pompiers, il ajoute que les soldats du feu sont sur place ; quand les secours médicaux arrivent
et qu'on voit les gyrophares des ambulances,
il dit que les secours sont sur place
; quand la police balise le terrain avec un ruban, il rapporte que le
terrain est balisé avec du ruban. Le quidam passe
par là ou qui regarde la scène est sollicité pour donner avis ; il le
donne : il dit qu'une explosion a eu lieu, que la police est sur place, que les secours sont arrivés et que
l'espace est délimité par un ruban. Un autre passant peut aussi être
requis ; il donnera lui aussi son avis :
le même. Le journaliste complétera en disant qu'une cellule psychologique
est déjà sur place. Sous une tente. Et l'on
peut alors voir des images de cette toile de tente.
Ce temps qui a congédié et conjuré la réflexion,
l'analyse, le commentaire, la
mise en perspective du fait avec ses causes, ses raisons, sa généalogie, est
ennemi de l'intelligence et ami de la passion, du pathos, des émotions, des sensations, des
perceptions immédiates. Aucune pensée n'est possible
car penser, c'est avoir besoin de temps pour exposer un raisonnement alors que
le temps médiatique, c'est de l'argent qu'on ne peut laisser à la réflexion. La
publicité qui nourrit les chaînes a besoin de plans courts, jamais plus d'une poignée de secondes, pour des sujets
qui en chassent d'autres afin de retenir le téléspectateur devant son
écran et le rendre captif au moment où elles
lancent la publicité qu'on appelait
jadis, c'était plus clair, la propagande. La pensée n'est pas en soi incompatible avec l'univers médiatique ; mais
elle l'est quand ce dernier obéit aux
seules lois du marché ? »
Et voilà, la boucle est bouclée ! Dans
une société dévolue aux lois de l’économie, soumise aux impératifs financiers,
les médias abandonnent toute exigence d’objectivité, suicidant ainsi leur
liberté ! Pire encore, ils restreignent la place de la pensée, ce qui contrevient
à tous les principes de l’Humanisme et bafoue sans scrupule la notion de
dignité humaine. Si les journalistes et intervenants des médias ont choisi de
traiter leur public comme des moutons dociles prêts à tondre, il est urgent que
les éducateurs, parents, professeurs réveillent et forment l’esprit critique,
apprennent à analyser l’actualité avec du recul, du temps sans se contenter d’une
paraphrase qui la vide de son sens en la transformant en pur produit !
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