Réveillon[s] !

    Les fêtes et leur cortège de confettis et de flonflons sont derrière nous. Pour certains, la tête est encore un peu lourde du dernier réveillon... Ce dernier mot résonne étrangement dans l'air, comme s'il vibrait d'une polysémie complice... "Réveillon", terme qui désigne avant tout le repas festif pris au milieu de la nuit de Noël ou du Nouvel An, pour lequel parfois, certains, endormis, se faisaient expressément réveiller. 

   Mais ce mot nous souffle à l'oreille le devoir qui nous incombe, à nous, militants de la France Insoumise, et autres vigies des temps présents, de réveiller le troupeau endormi, anesthésié par les organismes d'information qui ont trahi ou déserté leur mission initiale. De fait, si vous avez suivi un journal télévisé ces derniers jours, il a pu vous arriver de n'y découvrir aucune véritable information... La néanmoins charmante Leïla Kaddour et ses collègues semblent s'être spécialisés sur France 2, service public, dans cette pratique de l'anesthésie générale, non plus journalistes mais enjôleurs... Dimanche dernier, nous avons pu découvrir, formidable scoop, que"tout le monde était sur son 31", généralisation plus que douteuse, d'ailleurs, qu'il neigeait en montagne, qu'il était difficile de monter à Courchevel par la route, que les menus gourmands se préparaient pour le réveillon... bref, pire que les éditions les plus creuses pour lesquelles Jean-Pierre Pernaut était jadis raillé par les Guignols de l'Info dans son édition du 13 heures sur TF 1... Il fallait aller sur Euronews, Arte ou d'autres chaînes, notamment les chaînes belges, plus consciencieuses pour découvrir ce qui se passait, pendant ce temps-là, en Iran, en Syrie, bref d'authentiques informations.

https://www.france.tv/france-2/journal-13h00/364097-edition-du-dimanche-31-decembre-2017.html

   Ces soi-disant services d'information ont d'ailleurs perdu leur probité et leur noblesse en devenant dans le lexique courant des "médias". C'est-à-dire des "moyens" et particulièrement des moyens de gouverner, - ne dit-on pas qu'ils sont le "quatrième pouvoir" ? - ou des moyens, pour le gouvernement, de maintenir l'électorat dans une béate et nigaude torpeur. Oubliés l'éthique et les idéaux de vérité, loin, bien loin les scrupules rédactionnels, aujourd'hui le journal télévisé est digne, ni plus ni moins, d'un magazine pour benêts.
   
   "Réveillons !" Mot d'ordre ! Réveillons nos concitoyens, soyons les guetteurs, les veilleurs, ne laissons rien passer de ce qui sera dissimulé par ces médias serviles, ne tolérons rien de ces nappes de sirop qui ensuquent et édulcorent l'âpre réel, de ces ors et encens qui sacralisent abusivement ceux qui les manipulent comme leurs jouets et pantins. Ne tolérons surtout pas, par exemple, qu'un secrétaire d'Etat puisse déclarer que les sans abris qui restent à la rue, c'est parce qu'ils le veulent bien, paroles d'un cynisme abominable, d'une intolérable impudence quand le gouvernement n'a quasiment rien entrepris pour honorer la promesse de campagne du candidat élu. Soyons ceux que le poète Jacques Bertin acclame dans son beau texte "Carnet":


Dans le journal d'hier beaucoup de morts

Et puis partout beaucoup de gens indifférents
Nous sommes peu nombreux à veiller
Nous tenons la lampe allumée
Nous repoussons de toutes nos forces le sommeil
Et la lampe nous fait les yeux brillants



Nous tenons la lampe allumée
Nous ne vieillissons pas


   Soyons ceux que son ami Jean Vasca célébrait dans son ode "Amis":




Amis soyez toujours ces veilleuses qui tremblent 
Cette fièvre dans l'air comme une onde passant 
Laissez fumer longtemps la cendre des paroles 
Ne verrouillez jamais la vie à double tour


Je suis là cœur battant dans certains soirs d'été 
A vous imaginer à vous réinventer


Amis soyez toujours ces voix sur l'autre rive 
Qui prolongent dans moi la fête et la ferveur 
Des fois vous le savez il fait encore si froid 
Le voyage est si long jusqu'aux terres promises


Je suis là cœur battant dans tous les trains de nuit 
Traversant comme vous tant de gares désertes


Amis soyez toujours l'ombre d'un bateau ivre 
Ce vieux rêve têtu qui nous tenait debout 
Peut être vivrons-nous des lambeaux d'avenir 
Et puis nous vieillirons comme le veut l'usage


Je suis là cœur battant à tous les carrefours 
A vous tendre les mains dans l'axe du soleil


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