Un pays sous influence...



    Nous entendons dire à longueur de journée que la France est une démocratie assez exemplaire… Or, la dernière campagne électorale – je parle essentiellement au vu du premier tour, mais la manière dont se déroule la préparation du second ne modifie en rien le regard que je suis amené à porter sur elle – montre que le pays est sous influence. Le paradoxe veut que ce soient ceux qui sont censés être les fers de lance de l’égalité et de la liberté démocratiques – la fraternité, ils ne connaissent pas ! – ceux qui sont supposés informer objectivement les français, qui ont manipulé l’électorat tout au long du processus, vous avez deviné que je parle des médias. C’est le grand, l’immense, le malheureux paradoxe de ces élections présidentielles, car un pays sous influence n’est plus vraiment une démocratie digne de ce nom.
    S’il faut argumenter pour soutenir cette thèse, c’est hélas très facile : les médias publics et privés se sont ligués pour promouvoir un candidat, un seul, au détriment de tous les autres, et paradoxalement (…ou pas !), celui qui avait le programme le plus inconsistant, qui tenait les déclarations les plus contradictoires, dont nul ne peut savoir ce qu’il fera s’il est appelé à gouverner, qui se prétend hors du système alors que son passé professionnel relève de la banque Rotschild, qui prétend incarner le renouveau alors qu’il fut le conseiller et le ministre de l’économie du désastreux quinquennat de François Hollande, bref, vous avez deviné que je désigne l’ectoplasme Macron. Voilà le candidat auquel les Delahousse, Pujadas, Saint-Cricq, Barbier, Dassier, Cayrol, Lenglet et autres baudruches médiatiques ont tout passé, allant jusqu’à voiler ses failles, ses manques et contradictions flagrants alors même qu’ils égratignaient tous les autres candidats, s’échinant même particulièrement à calomnier contre toute vraisemblance Jean-Luc Mélenchon en déformant sans vergogne son programme dont ils n’avaient lu que des bribes… Avaient-ils des mots d’ordre des dirigeants de leur chaîne, voire de plus haut et de plus occulte ? Avaient-ils simplement choisi leur camp parce qu’après tout, la société néolibérale, la vacuité et le vent, les produits creux, ils en vivent, c’est leur fonds de commerce, le pécule juteux sur lequel ils trônent, indélicats et sentencieux ! Toujours est-il qu’ils ne prêchent et ne militent qu’une opinion alors même qu’ils sont supposés refléter la diversité et la respecter sans prendre parti… Cela explique ce second tour volé à la France  pour cette double affiche qu’ils avaient décrétée dès le départ et qui jette notre belle jeunesse dans la rue aux cris de « Ni Le Pen, ni Macron, Ni patrie, ni patron ! » Pour une telle réussite, il faut avouer que tous ces pseudos journalistes devraient faire leur examen de conscience et leur mea culpa, car c’est par manque d’honnêteté et d’objectivité qu’ils ont amené les français devant ce choix absurde entre le choléra néo-capitaliste et la peste nationaliste xénophobe.
    Comble de cynisme, la seule journaliste sanctionnée dans cette campagne est Audrey Pulvar, pour avoir signé, hors antenne et hors contexte, une pétition contre Marine Le Pen, alors qu’à l’antenne elle fut l’une des plus équitables et rigoureuses. De qui se moque-t-on, quand on entend le « gendre idéal » des mères de France, Laurent Delahousse, sortir lui-même de la route et s’abaisser à se montrer insultant à l’antenne à l’égard de Dupont-Aignan, en lui demandant si l’accord signé avec le Front national l’avait été au prix du remboursement de ses frais de campagne ? Autrement dit, le bellâtre méché le traitait publiquement de vendu… On peut, quand on est homme politique, ne pas être d’accord avec les idées de quelqu’un et les combattre farouchement sans aller jusqu’à ce genre de grossièretés, mais quand on est journaliste en cours de campagne électorale, on n’a pas le droit de se montrer à ce point vil ni partisan. Et j’entends encore Nathalie Saint-Cricq venir donner – en leur absence physique, bien sûr – des leçons de morale à certains candidats, notamment Jean-Luc Mélenchon, alors que, ce faisant, elle bafoue la déontologie de sa profession ! Bref, cette campagne électorale laisse un arrière-goût nauséeux parce que les médias s’arrogent des droits et des pouvoirs qui ne sont pas inscrits dans la constitution et, en dépit d’une façade pluraliste, dispensent un catéchisme monodique, comme celui jadis dispensé dans certains pays totalitaires, et que l’on nommait propagande… Ils voudraient être les bergers amenant les électeurs bêlants, beau troupeau de Panurge vers une seule voie, une pensée unique, celle qui correspond à leurs intérêts. Or, les électeurs ne sont ni des enfants en bas-âge, – n’est-ce pas monsieur l’ex-président ou presque, qui explique comment il faut voter ? – ni des simples d’esprit, même s’ils ne réalisent pas tous à quel point ils sont manipulés. A eux la décision, le choix, encore faudrait-il qu’ils soient informés en toute objectivité et équité ! Ce qui est loin d’être le cas.
    Nous assistons donc, non comme le prétendent lesdits médias à « une nouvelle donne politique » – la belle blague ! –, mais à une modification de la hiérarchie des pouvoirs, les médias ayant en quelque sorte réussi un coup d’état et passant du rang de « quatrième pouvoir » à celui de « premier ». Ils font désormais les présidents comme l’Eglise fit jadis les rois… Pas sûr que nous ayons gagné au change ! Il est urgent que le peuple ouvre les yeux et refuse de se laisser confisquer la liberté de penser, de choisir et de se laisser dicter des conduites qui ne profitent qu’au statu quo dans un système qui a montré toutes ses limites et qui réduit les plus pauvres au désespoir, comme les sidérurgistes de Florange, hier trahis par François Hollande, ou les salariés de Whirlpool, odieusement instrumentalisés et baladés par les deux candidats au second tour . Or, comme Jean-Luc Mélenchon, je considère que le peuple et les hommes de France méritent mieux que ces parodies de société et de justice qui leur sont infligées depuis douze ans. Mais je préfère laisser les derniers mots au poète Jacques Bertin qui écrivait dans cet extrait du très beau poème Menace  ces vers ô combien prophétiques:
                          « Les mots sont vides que vous récitez, le théâtre,
                             Donnent dans les gréements sur le ciel peint en haut
                             C’est une sorte de bateau-fantôme qui a dans ses cales
                             Quelques petits milliards de nègres qui ont peur
                             Monde factice O monde sans raison monde fragile
                            O qui vit follement de sa fragilité
                            Et qui trouve dans sa fuite un certain relatif équilibre
                            La croissance comme la logique des fous qui les fait marcher
               A grands pas et à grands gestes et l’abîme les attire comme un ventre […]
                        Peuple, ah vous ne croyez plus beaucoup à l’amour ni à l’insolence
                             Si je dis peuple pour voir derrière vous, vous vous tournez
                             Quel est celui que par ce vocable suranné je désigne ?
                             La révolte vous semble affaire de maniaque ou d’enfant gâté »

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