Gerbe de Mai: pompiérisme et grande illusion.
Le ridicule ne tue pas, sinon nous serions déjà orphelin du nouveau président ! On se demande qui lui a donné l’idée ou a pensé et mis en scène ce lamentable cérémonial devant la pyramide du Louvre au soir de son élection… Le choix du lieu, tout d’abord: le palais des monarques absolus tout un symbole ! Scénographie tout à la fois pompière et prétentieuse, où l’on découvre un homme frêle s’avançant dans la nuit devant la pyramide de Pei, aussi à l’aise et naturel qu’un pingouin à l’orée du grand Erg… L’ombre historique et propagandaire de Bonaparte aux pyramides de Gizeh l’écrase comme un éléphant la puce, et le simulacre de la procession, déjà un tantinet ridicule, de « tonton » Mitterrand au Panthéon, nous passe devant les yeux comme le vol amer et bancal d’une effraie dans le vent du soir. La France médusée découvre qu’elle a élu un petit garçon qui joue à être roi ou président, version gentille, ou, plus sévère mais plus lucide, un spéculateur amateur mais sans scrupule qui recycle des vieux chromos publicitaires pour la rouler dans la farine. Je ne sais plus qui a dit que, pour la quitter en gloire, il faut entrer humblement dans l’Histoire… Mais comme dirait quelqu’un que j’adore, vu la façon dont tout cela commence, on n’est pas curieux de savoir comment cela va finir ! Autre formule qui me vient aussitôt à l’esprit, la réplique lucide de Hamm, le protagoniste de Fin de Partie de Beckett: « La fin est dans le commencement… » Mais n’anticipons pas, même si nous y aspirons déjà intensément !
Autre moment pénible de cette soirée « faste », le défilé des traîtres rayonnants à la tribune des médias, des recrues de la première heure comme Ferrand, Collomb, Delanoé, Pompili et Le Drian, aux plus récentes, dont les noms sont listés au fronton de l’histoire politique, qui, me direz-vous, en a vu bien d’autres, les « Talleyrand » ressuscitent en ce soir du 7 mai et, à défaut d’honneur, ne manquent pas d’aplomb ! Leur font cohorte tous les « ralliés », ceux dont l’avenir était en berne et qui ont saisi l’opportunité de « se refaire », comme Bayrou, Lepage entre autres, et ceux qui se plaçaient en vue d’un petit strapontin dans le futur gouvernement, histoire de ne pas disparaître à jamais de l’affiche… Spectacle pitoyable que l’électorat a pu contempler jusqu’à la nausée, parce qu’au-delà, c’est vue plongeante sur la cuvette des W.C ! Tout cela pour proclamer la victoire du nouveau « roitelet », car on ne peut nommer qu’ainsi l’élu de 43% des électeurs inscrits, qui, rappelons-le, n’a fédéré sur son seul nom et programme que 24% des voix, les autres étant des suffrages hostiles à une adversaire discréditée par sa xénophobie et une fin de campagne passablement bâclée. Autant dire que tout ce petit monde ferait bien d’ajuster son profil à la mesure de la victoire remportée… Je repense à Jacques Chirac, élu en 2002 avec 80% des voix au soir du second tour, et qui avait bien pris conscience de la relativité de cet écrasant suffrage. Visiblement, la mémoire et l’humilité de nos triomphateurs du 7 mai sont beaucoup plus courtes, ce qui n’augure rien de bon…
En attendant, les travailleurs peuvent déjà se préparer à être pressés comme citrons bien mûrs, les salariés de Whirlpool d’Amiens peuvent sereinement préparer leur – comment disent-ils déjà, avec leurs beaux euphémismes, ah oui – « reconversion », les futurs esclaves de l’ubérisation et de l’auto-entreprise ont intérêt à se forger une santé physique et morale à toute épreuve, le service public et la culture sociale française vont continuer à disparaître progressivement, l’état de notre petit monde, « plus inhumain qu’il ne fut dans aucun siècle » (Jacques Bertin, immense poète !), va s’aggraver sous l’effet du virus néo-libéral qui a pour effet de placer l’argent au coeur du système, et de subordonner l’être humain à cette valeur illusoire… Beaucoup d’électeurs « par adhésion », mais aussi par défaut, de ce roitelet de la finance et du néo-capitalisme vont bientôt se réveiller avec une épouvantable « gueule de bois » et vont avoir du mal à se remettre de la confrontation entre l’imagerie de l’offre publicitaire qu’ils ont élue et la réalité amère du produit… Ah les stratégies de « pull » et de push » marketing, comme ils disent, ont admirablement fonctionné ! Mais honnêtement, ce n’aura pas été faute de prévenir tout ce petit monde incrédule et pourtant passablement naïf ! Il faut dire que dans le système éducatif de la société contemporaine, on ne forme plus des esprits critiques mais de futurs consommateurs. Ceux qui ont patiemment détricoté l’enseignement formateur des esprits aux profit de matières « balivernes » ont semble-t-il remporté une manche historique en rendant l’électorat docile comme moutons de Panurge… Souhaitons que ce soit réversible et que les esprits libres, les humanistes reprennent le dessus très vite. Si ce pouvait être aux Législatives, ce ne serait que mieux. Ralliez la France insoumise, citoyens !
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