Un choix de toute façon tragique

    Le propre de la tragédie est de proposer aux protagonistes un dilemme, un choix impossible, une alternative douloureuse et funeste dans ses deux options. Le second tour des élections présidentielles ne nous propose rien d’autre.
       Dans l’un des cas, l’électeur choisit la xénophobie, la haine de l’étranger, de la différence, l’autarcie nationaliste, l’illusion d’un pays heureux dans son repli autosatisfait sur lui-même et une conception rétrograde, réactionnaire de la société. Un équivalent de peste ou de choléra, avec des relents remontant d’un passé abominé et fatal à court terme.
       Dans le second cas, il choisit l’inconsistant pantin brandi par les médias, les lobbys de la finance, de la banque et des grands patrons. Or, le bulletin de notes dudit pantin est désastreux: conseiller, puis ministre de François Hollande, il a lamentablement échoué dans la mise en oeuvre de sa politique dans le précédent gouvernement et s’apprête à persévérer et redoubler ses erreurs. Un équivalent de dysenterie, fatale à moyen terme…
      D’aucuns peuvent considérer qu’un de ces choix est « moins pire » que l’autre… Entre l’élève dangereux et l’élève inapte, faut-il donc choisir l’incapable ? Mais n’est-ce pas une illusion, là encore ? Que devient l’être humain lorsque ceux qui dirigent lui préfèrent la valeur argent ? Pressuré, méprisé, broyé dans l’étau de la sacrosainte économie mondiale ou européenne, tous les prétextes étant bons ! Il est évident que le programme frontiste induit une négation de l’Homme, mais il serait naïf de penser que le vide programmatique d' »En Marche » cache autre chose qu’une manipulation et exploitation sans scrupules du pauvre peuple et de la classe moyenne. Je renvoie ceux qui en douteraient à la lecture édifiantes des Scritti corsari rédigés par Pier Paolo Pasolini et publiés après sa mort en 1976¹. Dans tout cela, le tragique c’est évidemment que beaucoup de ces personnes vont, par bonté d’âme, par idéalisme, faire un choix qui de toute façon leur sera nuisible.
          Ceux que personne ne plaindra, ce sont les opportunistes, les arrivistes, dont nous éviterons de citer les noms, attirés comme mouches autour de l’aubaine putride, mais aussi les bobos ébaubis, ceux qui surfent insouciants sur le système qui dévaste leurs concitoyens, qui ferme et délocalise les usines, ceux dont le quotidien ignore les affres des fins de mois quand ce n’est pas les fins de semaines… Et que dire des personnalités du Show-bizz – je préfère ce mot car à mes yeux , ils ne méritent pas le nom d’artistes – grands donneurs de conseils et de leçons, et dont l’implication sociale ne dépasse pas le pianotage pour Twitter… Leur irruption sur la scène électorale insuffle un peu de mélange des genres, de la mauvaise comédie dans cette pièce plutôt grave.
          Faire entendre notre voix discordante, c’est voter blanc ou s’abstenir et effectuer un formidable « troisième tour » aux Législatives. Nul doute que le candidat ou la candidate élu[e], que les médias interpréteront les chiffres et le pourcentage des abstentions et des bulletins nuls au soir du 7 mai et que celui-ci leur parlera mieux que quoi que ce soit d’autre. Le peuple doit montrer qu’il n’est pas dupe des manigances et artifices de ceux qui gouvernent en sous-main les instances du pays. refuser ce choix tragique, cette absence de réelle option, c’est dire non à l’élection de la médiocrité, de l’hypocrisie et du cynisme. C’est refuser, enfin, un théâtre dont les spectateurs enthousiastes ou naïfs sont toujours les premières victimes !
Note: ¹ Dans ses Écrits corsaires (Scritti corsari), publiés quelques temps après son décès (1976), Pasolini affirme :« Le fascisme avait en réalité fait d’eux [les classes populaires] des guignols, des serviteurs, peut-être en partie convaincus, mais il ne les avait pas vraiment atteints dans le fond de leur âme, dans leur façon d’être. » Contrairement à la société de consommation. Celle-ci, en promettant un confort illusoire, a « transformé les jeunes ; elle les a touchés dans ce qu’ils ont d’intime, elle leur a donné d’autres sentiments, d’autres façons de penser, de vivre, d’autres modèles culturels » et ce, « grâce aux nouveaux moyens de communication et d’information (surtout, justement, la télévision) ». L’âme du peuple a ainsi non seulement été « égratignée, mais encore lacérée, violée, souillée à jamais » par le “fascisme de consommation”. cf video: https://youtu.be/XzmeT5rEPDg  

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